QU’EST-CE QU’UNE ODEUR ?

Commençons par quelques définitions simples. Une odeur est un gaz, une manifestation invisible et éphémère qui se déplace dans l’air, et qui se perçoit par le nez et le sens olfactif.

L’odeur provient naturellement du vivant et de toute matière organique : un végétal, un minéral organique, un animal ou un être humain. C’est, par exemple, l’odeur d’un arbuste en fleur, l’odeur du calcaire sec ou de l’argile humide, l’odeur de la fourrure d’un chat qui vient de se toiletter ou l’odeur de la peau.

Mais l’odeur provient aussi de notre culture et de ce que nous créons, de notre société et comment nous y vivons à travers le temps. Ces odeurs ordinaires du quotidien, d’une époque, façonnent notre pensée, notre ressenti et nos souvenirs. C’est l’odeur des crayons de papier à l’école, du linge propre, du pain croustillant, d’un sac en cuir neuf, d’un café, d’un gel douche, des moteurs à essence, des crèmes solaires.

L’odeur est un gaz brut, spontané, qui envahit l’air avec cette caractéristique tranchée : « ça sent bon » ou « ça sent mauvais ». L’odeur est générale, universelle, elle va droit au but.

QU’EST-CE QU’UN PARFUM ?

Au contraire de l’odeur, le parfum est, lui, une création et une fabrication olfactive réalisée par la main de l’Homme, à partir des odeurs que lui offre la nature et de ce que l’Homme imagine lui-même.

Le parfum est un travail d’assemblage d’odeurs, de composition de notes olfactives imaginaires, de formulation chimique et d’analyse des odeurs, de dosage et d’équilibre, de temps, de création et de passion.

C’est à la fois un travail de précision technique – travailler l’impact olfactif dès les premières minutes, rendre son sillage durable dans le temps, recréer des odeurs qui ne peuvent pas être extraites naturellement – mais aussi, un travail artistique voué à transmettre du beau, à travers un ressenti esthétique, un objet invisible agréable à sentir, un objet capable d’émouvoir.

Si le nez est l’outil du parfumeur, l’odeur est sa matière première et le parfum, son œuvre.

CE QUI FAIT LA COMPLICITE ENTRE UNE ODEUR ET UN PARFUM

Même si une odeur ne pourra jamais être « parfum », certaines d’entre elles sont des odeurs d’exception qui se rapprochent d’un parfum en soi.

En effet, comme l’explique Jean Claude Ellena*, l’un des plus grands parfumeurs de notre époque, dans son Atlas de Botanique Parfumée : « une odeur se compose d’une pièce principale et de pièces complémentaires, comme un puzzle. Une rose sent la rose, mais pas seulement la rose : elle sent (selon le terroir où elle est cultivée), un peu le miel, le fruit (souvent la pomme), le légume (artichaut), le thé ou la fraicheur d’un végétal… ».

Une odeur peut elle-même se composer de plusieurs odeurs, qui, ensemble, grâce à la magie du vivant, vont créer un mélange parfumé tout à fait fin et plaisant à sentir, rivalisant de complexité, d’harmonie et de richesse avec n’importe quel parfum pensé par l’Homme.

CE QUI FAIT « LA DIFFERENCE, C’EST L’HOMME »

Quand l’odeur se diffuse de façon spontanée et brute, le parfum résulte d’un travail, d’une œuvre, d’un schéma odorant plus complexe qui a été pensé par l’esprit et créé par la main de l’Homme.

En effet, cette pensée rejoint celle de Jean-Claude Ellena*. Selon lui, ce qui fait la différence entre une odeur et un parfum, c’est « l’Homme », au sens général du terme.

Cette réflexion est issue, comme il le dit lui-même, des mots intuitifs de Jean Giono qui écrivit : « Les dieux créent des odeurs ; les hommes fabriquent des parfums. Nus et faibles, ils ne peuvent survivre qu’avec des machineries. Le parfum, c’est l’odeur plus l’homme. »

Qu’est-ce que cela signifie, au fond ? Pour nous, le parfum se différencie d’une odeur par l’intermédiaire de l’Homme, certes, mais l’Homme sous deux formes. La première est celle de l’Homme qui, en tant que penseur et travailleur, compose un parfum à partir d’odeurs existantes. Et puis, la seconde, est celle de l’Homme qui, en tant qu’être vivant, grâce à et par sa peau, diffuse des odeurs et les colore de sa propre odeur personnelle. L’Homme est à l’origine de la création et de la fabrication du parfum tout comme il en est son propre support.

PARFUM-ODEUR, UN DUO INSEPARABLE QU’ON RETROUVE AUSSI DANS LES AUTRES SENS

En parfumerie fine, le mot « odeur » est généralement associé à la note olfactive brute, la matière première à parfum, qui, lorsqu’elles seront mélangées entre elles vont composer des accords olfactifs, puis ces accords « formulés » entre eux viendront créer un parfum.

Si nous comparons avec la musique, tout comme pour l’odeur, les bruits et les sons sont des notes musicales brutes, qui, lorsqu’elles seront associées entre elles vont composer des accords musicaux, puis ces accords « joués » ensemble viendront créer une musique.

C’est exactement le même principe en cuisine. Un goût est généralement associé à un ingrédient brut, aux arômes et parfums qu’il contient, qui, lorsqu’ils sont mélangés entre eux vont donner vie à d’autres saveurs, qui ensemble viendront créer un plat. Les mots qu’on utilise naturellement, presque automatiquement et inconsciemment, pour évoquer et décrire un parfum, une musique ou un plat ont beaucoup de résonnance et de significations communes.

A la fin, un parfum, une musique, un plat a pour objet de nous faire ressentir des émotions, des souvenirs, quelque chose qui viendra réveiller ce sentiment au fond de l’âme, qui nous rend vivant.